Eléments de terminologie (3)

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N

O

Oralité

L'oralité caractérise des situations spécifiques dans lesquelles fonctionne une langue orale, c'est-à-dire une langue profondément marquée par la situation de communication qui constitue une référence constante non explicite. Dans les situations d'oralité, la connivence est importante entre locuteurs qui n'imaginent même pas avoir à dire un certain nombre de choses, qui ne sont cependant pas compréhensibles pour ceux qui ne sont pas exactement dans la même situation. Les messages de langue orale semblent souvent allusifs, tronqués, incomplets à qui a l'habitude de l'écrit. De fait, ils ne sont efficaces que si l'on tient compte des circonstances dans lesquelles ils ont été produits (caractéristiques de l'émetteur, du récepteur, de la référence, du code, du contact et du message lui-même, selon le schéma de Jakobson). L'accès à l'écriture pour une langue est donc une opération d'une très grande complexité qui implique nécessairement d'importantes modifications de la langue et de ses structures, tant lexicales que grammaticales. Il suppose aussi le plus souvent une transformation du point de vue des locuteurs eux-mêmes dont les attitudes sociolinguistiques ne facilitent guère une possibilité de changement de statut pour l'idiome en question puisqu'ils lui dénient toute possibilité d'être un jour enseigné, considèrent qu'il ne répond à aucune règle de grammaire, et qu'on ne peut l'écrire (tous faits qui sont caractéristiques d'une langue minorée). Une langue orale est d'abord parlée, mais peut dans un deuxième temps être transcrite, sans changer de structures, selon divers systèmes de représentation graphiques : on parlera de langue orale graphiée, mais on ne confondra pas cette simple représentation sur la feuille de papier d'une langue encore essentiellement orale, avec son écriture qui implique de profondes transformations.

P

Période

Terme d'abord utilisé en rhétorique, mais dont la définition vague autorise la réexploitation dans le cadre d'une rigoureuse terminologie linguistique. Molinié, dans son Dictionnaire de rhétorique propose pour sortir du flou de dire qu'il s'agit "d'une unité de développement thématique, pourvue d'une certaine cohésion grammaticale et tendant à un englobement sous une unique architecture mélodique" (LdP, p. 266). Plus largement, nous définissons la période (cf. M.C. Hazaël-Massieux depuis les années 1980) comme cette unité de la communication orale qui est dotée essentiellement de caractéristiques intonatives : la période est l'unité d'énonciation qui ne subit pas de contraintes contextuelles, c'est-à-dire en fait la plus grande unité intonative autonome. Elle se distingue de la phrase, unité de la langue écrite (voir difficultés autour des définitions de la phrase). La période, au-delà de cette première définition intonative, qui est simplement délimitative, peut recevoir une définition, plus complexe, tendant à rendre compte de sa composition en terme de support, apport, commentaire, ou de noyau et de satellites. Ces définitions amènent à constater qu'il existe une grande variété de périodes possibles, de structures intonatives et syntaxiques différentes, correspondant en outre à des attitudes de l'homme en train de communiquer (assertion, interrogation...), marquées dans l'intonation, et susceptibles de recevoir diverses connotations (évidence, ordre...), elles-mêmes intonativement marquées. La communication orale s'analyse en périodes, et non pas en phrases. Il apparaît donc tout à fait indispensable de recourir à ce concept pour décrire l'organisation du discours oral qui fonctionne selon des règles syntaxiques propres, toujours très différentes de celles qui sont utilisées dans la variété écrite pour la langue en question - variété écrite dont les règles sont fixées au cours de l'histoire de la langue et finissent par constituer un modèle, c'est-à-dire une norme.

Phonologie

La phonologie est la branche des sciences du langage qui étudie les sons du point de vue fonctionnel, c'est-à-dire en temps qu'ils fonctionnent dans une langue, s'opposant et contrastant ainsi avec d'autres sons. Les unités dont elle s'occupent sont les unités de "deuxième articulation" par opposition à celles dont s'occupe la grammaire (unités de "première articulation"). La phonologie se distingue de la phonétique qui, elle, étudie les propriétés physiques (articulatoires, acoustiques...) des sons.

Phrase

Phrase : Unité de la langue écrite. Quelques définitions classiques dont on a pu voir les insuffisances :
. celle des grammaires scolaires en usage : "La phrase commence par une majuscule et finit par un point".
. celle qui est retenue par J. Dubois : "...une phrase est un énoncé dont les constituants doivent assumer une fonction et qui, dans la parole, doit être accompagné d'une intonation." (Dictionnaire de linguistique, Larousse, 1973 p. 378).
. ou celle du même auteur qui fait intervenir les constituants : "La phrase minimale est formée de deux constituants, l'un est un syntagme nominal appelé sujet et l'autre un syntagme verbal qui se voit accorder le statut de prédicat" (J. Dubois, 1969, p. 20).
. celle de H. Bonnard : "La "proposition", unité de groupement composée d'un sujet et d'un verbe n'est pas à confondre avec la "phrase", unité d'énonciation dont la fonction est d'exprimer un propos." (Bonnard, 1981, p. 248).
. celle de M. Arrivé, F. Gadet et M. Galmiche : "Qu'elle reçoive une caractérisation syntaxique ou sémantique, la phrase est avant tout un fait de structure qui ne devient un objet concret que lorsqu'il résulte d'un acte d'énonciation individuel dans une situation particulière. On désigne cet objet par le terme d'énoncé. C'est au niveau de l'énoncé que s'instaure la relation de la phrase avec le monde. Ainsi, une même phrase peut donner lieu à une infinité d'énoncés selon l'identité des locuteurs et les coordonnées spatio-temporelles de la situation de son énonciation. [...] L'énoncé résulte donc d'un processus d'actualisation destiné à fixer la référence des termes de la phrase." (1986, p. 532)
. celle de J. Gardes-Tamine : "A la différence de l'énoncé, la phrase représente l'unité de description grammaticale. C'est, en l'état actuel des connaissances grammaticales, la plus grande unité, celle qui inclut les autres, sans être elle-même incluse dans une unité supérieure." (J. Gardes-Tamine, 1988, p. 9).
On rappellera surtout la définition, retenue comme définition de base dans ce cours : celle de P. Le Goffic : "cette séquence autonome dans laquelle un énonciateur (locuteur) met en relation deux termes, un sujet et un prédicat. [...] Cette définition de la phrase doit être entendue comme la définition a priori de la phrase type : elle a le caractère d'une définition de principe (définition a priori, logique, axiomatique) : c'est le modèle de référence, la phrase canonique. Cette définition idéalisée est d'autant plus nécessaire que, dans leur discours effectif, les locuteurs sont loin de s'exprimer toujours par une succession de séquences normées correspondant au moule canonique de la phrase : ils produisent non pas des "phrases", mais des énoncés (souvent incomplets ou mal délimités)." (P. Le Goffic, 1994, p. 8.

Pragmatique (approche)

Citation de D. Maingueneau, 1990 [Dunod 1992] : Pragmatique pour le discours littéraire, Avant propos, pp. VI-VII, où il présent la perspective de son ouvrage :
"Impliquant un changement dans le regard porté sur les textes, la pragmatique modifie considérablement le paysage critique : un grand nombre de phénomènes jusqu'ici négligés passent soudain au premier plan, tandis que d'autres sont lus différemment. Une conception naïve de la critique voudrait que celle-ci s'exerçât sur un corpus d'oeuvres stable, uniformément baigné de la même lumière. En réalité, on n'a pas affaire à un "même" corpus dont l'intelligibilité s'accroîtrait indéfiniment au fil des lectures qui le prennent en charge : les lectures elles-mêmes le remodèlent sans cesse. Ainsi, une approche qui appréhende le style comme expression d'une individualité placera au centre de ses préoccupations les oeuvres "romantiques" et rejettera à la périphérie des oeuvres étroitement liées à un genre (tragédie classique, poésie pétrarquisante, roman feuilleton...). L'un des intérêts de la démarche pragmatique est justement, par la reconsfiguration du champ qu'elle suscite, de restituer une lisibilité à de vastes ensembles de textes.
Telle qu'elle est présentée dans cet ouvrage, la démarche pragmatique se place dans le prolongement de la critique structuraliste, mais rompt avec certains de ses présupposés majeurs. Elle la prolonge en ce sens qu'elle prend acte du geste qui a libéré le texte de sa sujétion à l'analyse biographique et sociologiste. Mais elle rompt avec elle en soulignant les impasses où conduit une conception du texte comme structure détachée de l'activité énonciative. Structuralisme et pragmatique ont néanmoins en commun d'avoir émergé à l'extérieur du champ des études littéraires. Si l'un et l'autre ont d'importantes répercussions dans ce domaine c'est parce qu'inévitablement toute conception nouvelle du langage a une incidence sur l'appréhension de la littérature. Il en résulte une relation indirecte qu'il convient de ne jamais perdre de vue. Ce livre ne sera donc pas un manuel de théorie littéraire ; il vise seulement à introduire dans le champ de la littérature quelques notions de pragmatique qui nous semblent devoir y être fécondes. Nous parcourons le chemin qui va de ces notions aux oeuvres littéraires, et non le chemin inverse qui ferait de la pragmatique la réponse à tous les problèmes que peut rencontrer l'analyse de la littérature."

Préposition

"Mots invariables, les prépositions sont généralement présentées comme n'ayant pas, à proprement parler, de fonction" : c'est ainsi que commence l'article "préposition" dans La grammaire d'aujourd'hui. Guide alphabétique de Linguistique française d'Arrivé, Gadet, Galmiche, - article qui ne comporte pas moins de cinq pages (pp. 557-562).

De fait, avec divers autres mots-outils, les prépositions et les locutions prépositives appartiennent à une catégorie de connecteurs, dans laquelle on distinguera des connecteurs conjoncteurs et des connecteurs translateurs, qui permettent à un mot (un nom notamment) d'être intégré dans une unité supérieure, en prenant alors une fonction adjectivale (dans le syntagme nominal) ou une fonction adverbiale (dans le syntagme verbal). Le nom en question devient donc "complément de nom" ou "complément de verbe". Pour des exemples et une meilleure compréhension on regardera en détail la rubrique connecteurs.

Q

R

Réception

La critique littéraire, l'esthétique, l'analyse linguistique de textes insistent toutes sur l'importance du récepteur (lecteur) dans l'oeuvre littéraire. Comme le disent J. Gardes-Tamine et M.C. Hubert dans leur Dictionnaire de critique littéraire, A. Colin, 1993, p. 167 : "Etudier la réception d'un texte, c'est accepter l'idée que la lecture d'une oeuvre est toujours une recréation qui dépend du lieu et de l'époque où elle prend place, comme le montrent en particulier les traductions. L'étude de la réception donne un rôle actif au lecteur producteur de signification." La critique de la réception s'est développée en particulier avec H.R. Jauss en Allemagne : cf. Pour une esthétique de la réception, 1978, Paris, Gallimard.

S

Semelfactif

Le terme de "semelfactif" qui signifie "une seule fois" caractérise un aspect et sert à désigner, par opposition à "itératif" (= qui se répète), une action qui ne s'est réalisée qu'une fois. On peut dire ainsi que la phrase française :

"J'ai ramassé des champignons la semaine dernière"

pourrait être interprétée
- en un sens semelfactif : sous-entendu (une fois la semaine dernière)
- en un sens itératif : tous les jours de la semaine.

De fait l'itératif qui peut se manifester aussi bien par un suffixe appliqué au verbe (cf. "sautiller" par opposition à "sauter") que par une périphrase ("chaque jour" : "chaque jour il part au travail à 9 h."), ou par certains usages de l'imparfait ou du présent, renforcés le plus souvent par une locution ("il mangeait à la cantine à cette époque" : il est sous-entendu que cela s'est produit plusieurs fois !), est beaucoup plus "utile" à mentionner que le semelfactif qui ne peut être clairement marqué que par une locution : "il n'a pu travailler qu'un seul jour (une seule fois) la semaine dernière".

C'est souvent par contraste que l'on définira semelfactif et itératif.

Situation

Depuis longtemps, les linguistes ont proposé d'opposer la situation de discours (données extra-linguistiques) au contexte linguistique. Ainsi on pourrait considérer comme faits de situation l'âge et le sexe du locuteur, ses relations avec l'interlocuteur, etc. qui peuvent permettre de donner une signification plus exacte au message ; on appelle "contexte" l'environnement linguistique d'une phrase donnée. Ainsi dans "Pierre est un garçon charmant. Il n'oublie jamais d'envoyer ses voeux à sa grand-mère en début d'année", "Pierre est un garçon charmant" sert de contexte à "Il n'oublie jamais d'envoyer ses voeux à sa grand-mère en début d'année", et donne d'ailleurs notamment sens à "il" en précisant quel est le référent de ce pronom, etc. On peut déjà deviner le lien qu'il peut y avoir entre contexte et situation, le contexte étant l'explicitation partielle de faits situationnels. Labov, un linguiste américain, parlait de contexte linguistique et de contexte extralinguistique ; ce qui obligeait à préciser chaque fois de quel "contexte" on parlait. Dans ces conditions, depuis quelques années, on a pris la fâcheuse habitude (surtout en littérature) d'appeler "cotexte" le contexte linguistique, et contexte la "situation de discours". On fera très attention à ces points terminologiques.

Sociolinguistique

Plutôt qu'une branche de la linguistique, comme on a parfois tendance à le dire, la sociolinguistique constitue un nouveau point de vue sur la langue et la communication humaine, qui intègre des facteurs que la seule linguistique ne peut prendre en compte, et dont souvent elle se méfie en raison de leur apparente subjectivité : attitudes des locuteurs, jugements épilinguistiques, etc. De ce fait la sociolinguistique prend en compte fondamentalement tous les phénomènes liés à la situation de discours, qu'ils soient caractérisables en termes temporels (historiques), spatiaux (géographiques) ou sociaux (sociologiques voire plus globalement anthropologiques). A ce titre la sociolinguistique mérite une place autonome et complète au sein des sciences humaines, et n'est pas simplement le point de rencontre indéfinissable d'une linguistique et d'une sociologie. Il s'agit donc d'une étude de la communication humaine et des outils privilégiés de cette communication que sont les langues, qui intègre dans la description tout ce qui relève des partenaires de la communication comme des circonstances de cette communication. La sociolinguistique a donc développé des procédures et méthodologies spécifiques, susceptibles de permettre la description de ce nouvel objet qu'est l'homme parlant au sein d'une société.

Stylistique

Il n'est guère possible de donner une définition courte et unique de la stylistique, qui est un champ d'investigation qui s'ouvre à tous ceux qui s'intéressent à la langue de l'oeuvre littéraire. On réfléchira surtout à ce court extrait de Georges Molinié :

"L'objet majeur et éminent de la stylistique, c'est le discours littéraire, la littérature. Plus exactement, c'est le caractère spécifique de la littérarité du discours, de la praxis langagière telle qu'elle est concrètement développée, réalisée, à travers un régime bien particulier de fonctionnement du langage, la littérature. Ce qui pose évidemment la question de savoir ce que c'est que la littérature, ou peut-être plutôt de ce que ce n'est pas."

Synchronie

L'étude de la langue en synchronie, initiée par F. de Saussure au début du XXe siècle, s'oppose à l'étude en diachronie. Elle consiste à étudier la langue à un moment donné du temps, comme si elle n'évoluait pas. Elle se propose d'énoncer clairement et de manière systématique l'ensemble des règles qui régissent la langue à étudier, à un moment donné. Si cette méthode comporte un caractère un peu artificiel (car la langue est en évolution constante), elle permet toutefois d'envisager nettement la langue comme un système où tout se tient, et ainsi, à terme, même de mieux comprendre les évolutions.

T

U

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