Une citation :
"... il n'y a ni beaux ni vilains sujets et on pourrait presque établir comme un axiome, en se plaçant au point de vue de l'art pur, qu'il n'y en a aucun, le style étant à lui seul une manière absolue de voir les choses."
Flaubert
En français, le nom est identifié principalement par la présence d'un déterminant : "le commencement", "un garçon", "le boire et le manger", "son arrivée", "mon rouge préféré"... On notera toutefois que les noms propres sont "auto-déterminés" et ne prennent donc généralement pas de déterminant : "Monsieur Dupont", "Pierre"... Certaines structures sont également suffisamment actualisées dans le discours par des marques diverses pour pouvoir fonctionner sans déterminants : c'est le cas des pluriels pris dans une énumération en français contemporain "Feuilles, déchets, bouteilles en plastique, tout s'envolait dans la ville envahie par le vent". C'était le cas de plus nombreuses structures en français plus ancien dont les proverbes ou dictons ont conservé la trace : "Pierre qui roule n'amasse pas mousse" : notons qu'ici c'est la relative déterminative qui permet l'actualisation du nom en l'absence de tout article ; on ne pourrait dire "Pierre n'amasse pas mousse", sans penser immédiatement à un nom propre ! [note 7].
On distingue traditionnellement :
On fera attention à ne pas confondre les déterminants et les pronoms, petites parties du discours dont
les fonctions sont complètement différentes : le déterminant fonctionne toujours avec un nom qu'il
détermine, le pronom fonctionne à la place du déterminant et du nom qu'il remplace :
Ex. "mon livre" : "mon est un article possessif ; "le mien est plus beau que le tien" : "le mien" et "le tien" sont des
pronoms possessifs remplaçant "mon livre" ou "ton livre".
"cette table est ronde, celle-ci est carrée" : "cette" est un déterminant démonstratif, "celle-ci" est un pronom démonstratif.
"le garçon mange une pomme" : "le" est un déterminant défini" ; "le garçon la mange" : "la" est un pronom.
L'article défini peut recevoir une interprétation générique :
"La femme est l'égal de l'homme"
ou une interprétation spécifique :
"La femme tenait un livre dans sa main" (la femme dont on parle et non pas la femme en général)
Cet usage spécifique peut être confirmé, renforcé par le recours à des compléments du nom qui précisent davantage la spécificité voire l'unicité du référent :
"La femme de Pierre tenait un livre dans sa main"
Le déterminant défini varie en genre et en nombre avec le Nom, coeur du GN (Groupe Nominal) qu'il détermine :Le livre
La table
Les bouteilles
Dans un texte, la situation et le contexte jouent chacun à leur façon et, parfois, chacun à leur tour, un rôle dans l'identification du référent :
"Passe-moi le livre" (identification situationnelle)
"Arrivèrent un homme et une femme. La femme tenait un livre dans sa main" (identification contextuelle).
Cette catégorie de la grammaire traditionnelle est souvent très hétérogène. La principale distinction qu'il convient d'opérer parmi les déterminants indéfinis est toutefois celle qui permet d'opposer des quantificateurs (le plus nombreux) et des qualificateurs.
Le premier indéfini que l'on cite généralement est "un/une" (dont le pluriel se fait en "des"/"de" selon le contexte) :
Un garçon, une fille, des enfants, de gentils enfants..."
Les autres quantificateurs peuvent être classés ainsi, selon qu'ils n'admettent pas ou peuvent admettre d'être précédés d'un autre déterminant (le, un...) :
En fonction de leur singularité/pluralité variable on les classe généralement de la façon suivante (la liste des indéfinis ici ne prétend pas être exhaustive : ces exemples sont donnés à titre indicatif) :
Ensemble vide | Singularité | Pluralité | Totalité | Distributif | |
---|---|---|---|---|---|
type 1 | aucun pas un nul | quelque n'importe quel | plusieurs certain(e)(s) maint(e)(s) | tout(e) | chaque |
type 2 | -- | certain | quelques divers différents | -- | -- |
Les indéfinis non quantificateurs (ou qualificateurs) sont essentiellement "même", "autre" et "tel" qui s'emploient ou bien avec "un" ou "le", ou bien seuls devant un nom :
"Telle personne"/"Une telle personne" ; "même nouvelle"/"la même nouvelle" ; "tel homme"/"un tel homme"
Ce sont des marques personnelles qui accompagnent le nom, indiquant par là que le nom ainsi déterminé concerne une personne évoquée (soulignant parfois l'appartenance par exemple, quand il s'agit d'un objet) :
"Mon livre", "mon travail actuel"
"Ton cousin", "ton patron"
"Sa robe", "son organisation"
"Nos aventures", "nos dernières vacances"
"Vos attributions nouvelles"
"Leurs affaires"
On comprend bien que le terme d'"appartenance" ou de "possession", souvent utilisés, ne sont pas toujours heureux, car si à proprement parler une robe peut appartenir à quelqu'un (ou tout objet concret), c'est plus difficile à dire d'"attributions" ou de l'organisation du temps, ainsi que de toute donnée abstraite ! De même, lorsqu'il y a des relations personnelles (que ce soit d'ordre familial, ou concernant des rapports sociaux), ce n'est pas exactement une "possession" qui est en cause : "ton cousin", "ton patron"... C'est pourquoi nous préférerons dire que le nom ainsi déterminé par un possessif "relève de la personne", ou "concerne la personne" évoquée. Il marque des "relations" (qui n'est qu'accidentellement de possession ou d'appartenance).
Les déterminants possessifs s'accordent en genre et en nombre avec le nom qu'ils déterminent.
"Mon bateau / ma maison"
Toutefois, quand il y a accord de nombre, on notera la disparition de marques de genres sur le déterminant :En ce qui concerne les déterminants possessifs, le nombre peut caractériser l'élément "possédé" ou les "possesseurs" :
"nos maisons" indique qu'il y a plusieurs maisons ; "notre maison" indique qu'il y a plusieurs "possesseurs".
Ceci est valable pour toutes les "personnes du pluriel" : Ex. : "vos livres / votre livre" ; "leurs enfants / leur enfant".
On rappellera aussi la "neutralisation" du genre chaque fois que le substantif commence par une voyelle : de fait, il faudrait dire qu'au féminin, diversement marqué en français, on a la répartition suivante :
ma + consonne : | Ex. "ma petite amie" | ||
FEMININ | |||
mon + voyelle : | Ex. "mon amie" |
"mon", prononcé [mõn], est "lié" au substantif selon un enchaînement syllabique régulier en français à l'intérieur d'un groupe syntaxique dont les constituants entretiennent des relations étroites.
Du point de vue morphologique, les démonstratifs sont marqués en genre et en nombre :
"ce garçon/cet homme", "cette fille/cette assiette", "ces livres/ces enfants".
On voit que le genre est neutralisé au pluriel : les marques de genre disparaissent du déterminant proprement dit ; en revanche il faut souligner que la présence immédiate d'un mot commençant par une voyelle (nom ou adjectif antéposé) entraîne une variation de la forme du démonstratif. Ce phénomène constant pour les déterminants (cf. le garçon / l'enfant, mon garçon / ma fille / mon enfant / mon épouse) se manifeste pour les démonstratifs selon le modèle phonique suivant :
Du point de vue syntaxique, les déterminants démonstratifs introduisent le syntagme nominal mais peuvent être séparés
du nom lui-même par un certain nombre d'adjectifs ou d'autres déterminants :
"ces trois enfants" / ces petits garçons", etc.
Dans un texte suivi il est indispensable d'étudier l'enchaînement des déterminants qui se succèdent, selon des règles d'anaphore caractéristiques et en lien avec les pronoms : Ex. "Un homme et une femme arrivaient. La femme portait un sac ; celui-ci était en cuir noir. Quant à l'homme, il semblait épuisé et découragé. Elle lui dit..."
Ces déterminants qui fonctionnent tantôt comme l'indéfini "un", tantôt comme les indéfinis qualificateurs du type "autres",
par exemple, ne posent aucun problème particulier :
"Deux hommes mangent assis sur un banc"
"Les trois enfants jouent à la marelle"
En conclusion, provisoire, il conviendra de ne jamais oublier que la détermination - terme par lequel on désigne communément le mode d'introduction d'un nom dans le discours par un morphème qui le précède en français (cf. ci-dessus les déterminants définis, indéfinis, possessifs, démonstratifs, numéraux) - est un terme qui reçoit aussi d'autres acceptions. Parmi celles-ci nous retiendrons surtout que les divers composants du syntagme nominal concourent tous à la "détermination" du nom : "le petit garçon qui joue dans le jardin chaque samedi" : ici le nom "garçon" est beaucoup plus déterminé que dans la séquence "le garçon". On voit que concourent à la détermination du nom les adjectifs, les structures relatives, etc. (sur lesquelles nous reviendrons au chapitre sur les adjectifs. C'est d'ailleurs en raison de ce rôle pour la détermination du nom qui peut être joué par d'autres éléments, qu'une séquence comme "Pierre qui roule n'amasse pas mousse" peut fonctionner dans le discours : "qui roule", en l'absence même de tout article déterminant, comme c'était possible en français plus ancien, apporte ce qu'il faut de détermination au substantif "pierre" pour qu'il puisse fonctionner dans le discours et former le syntagme nominal sujet de "n'amasse pas mousse". Michel Arrivé, FRançoise Gadet et Michel Galmiche à l'article "détermination" dans La grammaire d'aujourd'hui : Guide alphabétique de linguistique française (Flammarion, 1986) disent très explicitement :
"Dans le chien noir et blanc/ du voisin/ que vous m'avez donné/, les constituants postnominaux peuvent être considérés comme participant à la détermination du nom chien..." (p. 219)..
C'est bien dans cette perspective que nous étudierons le syntagme nominal avec ses déterminants et ses divers adjectifs ou structures adjectivales dans ce cours.
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