Chapitre 9e : L'adverbe

Une citation :

"Il est très difficile de décrire, de définir, de nommer cette sorte d'imagination avec laquelle Kafka nous envoûte. Fusion du rêve et de la réalité, cette formule que Kafka, bien sûr, n'a pas connue me paraît éclairante."

Kundera, Les testaments trahis, Gallimard, 1993, p. 66

Du point de vue morphologique la catégorie dite des adverbes, catégorie invariable, accueille des mots ou des locutions de formes diverses :

Comme les compléments de noms qui développent de nombreuses locutions adjectivales, on a affaire dans le domaine de l'adverbe à des locutions adverbiales formées sur une base nominale, souvent précédée d'une préposition : "par hasard", "de bonne heure", "le lendemain"...

On préférera un classement syntaxique, qui permette de rendre compte du fonctionnement (varié) des adverbes qui relèvent précisément de ce point de vue de plusieurs catégories, selon le niveau où ils interviennent. Un même adverbe peut figurer à divers niveaux.

Document

Maingueneau distingue ainsi : (Dominique Maingueneau, 2001 : Précis de grammaire pour les concours, Nathan-Université, pp. 56-61 : extraits)[Note 9]

Ce classement qui ouvre la voie à une meilleure compréhension des adverbes et de leur fonctionnement, présente l'inconvénient d'être assez hétérogène : on est gêné par une terminologie qui oppose des "adverbes de point de vue" (notion sémantique) à des "adverbes de phrase" (notion syntaxique). Du point de vue syntaxique on peut insister néanmoins sur la différence essentielle qui sépare :

Les compléments d'adjectifs ou d'adverbes se placent avant eux ; les adverbes compléments de verbe (ou de phrase), qui sont parfois des locutions formées à partir de noms précédés ou non d'une préposition ("il travaille le samedi" ; "il progresse avec lenteur / lentement"), se placent après le verbe. Plus spécifiquement, les adverbes qui sont compléments de phrase (notons bien que certains adverbes, dans tel contexte compléments de verbe peuvent être compléments de phrase dans un autre contexte),se placent avant ou après : le test de la permutation suffit à les identifier par rapport au compléments de verbe (qui ne peuvent pas permuter). Dans la phrase suivante "avec prudence" est une locution adverbiale complément de phrase :

"Avec prudence, il avança jusqu'à la barrière" / "Il avança jusqu'à la barrière avec prudence".

Nous proposerions donc de définir trois positions syntaxiques pour les adverbes, mais en soulignant que de nombreux "adverbes" ou "locutions adverbiales" peuvent apparaître dans l'une ou l'autre des catégories, et qu'il ne s'agit donc pas d'adverbes s'opposant par leur appartenance à une classe de commutation : tout au plus pourrait-on établir des classes distributionnelles, et classer ainsi les adverbes en fonction de l'ensemble des contextes syntaxiques qu'ils admettent). "bien" n'a pas la même distribution que "beaucoup", mais a probablement la même distribution que "joliment". On peut dire en effet :

On pourra dire encore :

Si l'on dit :

C'est ainsi qu'il faudrait procéder pour établir ces classes distributionnelles, dont l'intérêt, cependant, resterait limité : il s'agit surtout pour nous ici de repérer les positions pertinentes dans un texte, et non pas tant de classer définitivement les adverbes [Nous sommes d'ailleurs convaincue de l'inutilité d'un tel classement pour une classe "ouverte" : un auteur peut toujours, pour rendre un effet particulier, décider un jour de changer la distribution courante d'un adverbe en l'introduisant dans une position que l'on n'attend pas : nous avons vu que bien des cas sont syntaxiquement possibles (cf. l'antéposition de l'adjectif) s'il s'agit d'utiliser le lexique de la langue de façon encore plus variée : c'est précisément comme cela que la langue évolue, et toute attitude trop strictement "normative" n'a guère de sens en littérature.]

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