L'alternance des temps de la conjugaison et leurs valeurs dans un extrait du Livre des Nuits de Sylvie Germain

Le sujet du devoir

Analysez temps et aspects et leur enchaînement dans le texte suivant de Sylvie Germain, extrait du Livre des Nuits (Folio, p. 72).




Il [Victor-Flandrin] arriva au pied d'une colline couverte de chênes, de hêtres et de sapins ; la bise filait à ras de neige avec des sifflements aigus. Il gravit la route étroite qui serpentait au flanc de la colline selon des méandres de plus en plus tortueux. Il était impossible de s'orienter dans cette forêt transformée en immense congère où la lumière ne parvenait qu'assourdie et Victor-Flandrin avançait avec peine.
Il finit par être tellement essoufflé qu'il s'assit un moment sur une roche en saillie au bord d'une clairière. Le jour commençait déjà à décliner et pour la première fois depuis son départ Victor-Flandrin s'inquiéta de savoir où il coucherait la nuit venue. Il était complètement égaré , prisonnier de ce labyrinthe strident de vent.
Ce vent d'ailleurs se modulait bien étrangement, on aurait dit la voix d'un homme en émoi hurlant sa peine à la folie et Victor-Flandrin tressaillit soudainement tant cette voix avait des accents pareils au rire souffrant de son père.
Et voilà maintenant que ce vent se mettait à rôder autour de la clairière, se rapprochant imperceptiblement. Il restait là, cloué sur sa pierre, n'osant pas bouger ni même tourner la tête. L'obscurité s'était épaissie jusqu'à la pénombre, la nuit était déjà là, et le fin croissant de lune qui brillait très haut dans le ciel comme une infime virgule blanche parmi les étoiles n'éclairait que le centre de la clairière. Mais ce peu de lumière attira Victor-Flandrin ; il se leva enfin de la pierre où il commençait à s'engourdir et marcha vers elle comme si ce pauvre bout de clarté pouvait lui offrir un plus sûr asile. Deux autres lueurs perçaient la nuit. Il les découvrit alors qu'il s'avançait vers le halo de lune ; elles se tenaient assez loin encore, mais il put les distinguer grâce à la tache d'or qui donnait à son œil gauche une vision de chat. C'étaient deux minces traits obliques d'un jaune étincelant qui semblaient le fixer. Il ralentit son pas, et son cœur également se mit à ralentir. L'autre émergea enfin de la pénombre mais ne se dirigea pas directement sur Victor-Flandrin ; il se mit à longer la bordure de la clairière sans le quitter des yeux. Sa démarche était remarquablement souple et soulignait la minceur de ses reins. Son poitrail au contraire était ample et bombé, et son pelage gris argenté par le givre s'y hérissait en touffe plus claire.
Victor-Flandrin fit comme l'animal, il commença à tourner en rond, à sa cadence, ses yeux également rivés aux siens, et bientôt il répondit à ses grondements par des sons aussi rauques. Cette ronde à l'amble dura longtemps, puis le loup fit une brusque incartade qu'imita immédiatement Victor-Flandrin. Ainsi les deux se retrouvèrent-ils bientôt tout proches l'un de l'autre, tournant en cercles de plus en plus resserrés.

Corrigé